vendredi 23 juillet 2010

Shalimar: je t'aime moi non plus.

De la même  manière que beaucoup de petites filles ont un jour rêvé d'emprunter le maquillage de leur mère ou leurs talons aiguilles, moi j'ai toujours rêvé de porter Shalimar. En effet, cela m'apparaissait comme une évolution logique de ma quête parfumée, non seulement parce que j'étais sensible aux volutes vanillées d'Habanita, mais aussi parce que Guerlain était une référence en terme de parfums, qu'il s'agisse de ma découverte récente de l'Heure bleue, ou  du goût de ma mère pour Samsara et Après l'Ondée.  Vous me direz, pourquoi oser porter Habanita à 14 ans mais pas Shalimar? Je ne sais pas,  peut-être que ce dernier m'impressionnait, me paraissant plus Femme. 



Si l'on ajoute à cela que son flacon me faisait rêver, sans parler de la beauté de ce nom, (véritable ôde à l'amour), ce n'est rien de dire que  j'attendais impatiemment d'avoir la petite vingtaine pour porter Shalimar. Mais, malheureusement, lorsque je me sentis en âge de le faire, je ne retrouvais  pas le sillage envoûtant  que je sentais sur les autres.  Ce n'est pas faute d'avoir persévéré pourtant, grâce à un beau flacon sucrier que je reçus en cadeau, une eau de toilette, qui, c'est vrai, me paraît un peu plus belle que l'actuelle, (plus profonde, où  l'on percevrait presque quelques accents cuirés), bien que je ne porte pas assez fidèlement Shalimar pour déceler nettement  les éventuelles reformulations que l'on lui prête.



Pendant près d'un an, je le portais en alternance avec d'autres parfums, m'obstinant,  mais le fait est que c'est  un des rares parfums qui ne me valut aucun compliment, sans compter qu'il avait parfois tendance à me donner la migraine. J'aurais pu supporter cela si je m'étais sentie entourée de ce hâlo sensuel et subtil, rond et vanillé, délicieusement équilibré tel qu'on le connaît, mais non, sur moi je ne sentais qu'un mélange de bergamote, citron et opoponax, lourd,  voire un peu agressif.  Un effet "peau de chamois" comme je l'ai déja lu quelque part, sec voire un peu aigre.  C'est pourquoi je le laissais tomber peu à peu, résignée par le fait  que l'alchimie avec ma peau ne devait tout simplement pas fonctionner, retournant avec délices à mon Heure bleue et autres trésors parfumés.  Et c'est vrai, on lit souvent que Shalimar évolue beaucoup d'une peau à l'autre, ceci expliquant peut-être cela.

Depuis, je réessaie régulièrement de le porter, guettant les réactions de mon entourage, essayant de me concentrer pour ressentir la fameuse magie de ce parfum, le plus souvent sans succès.  J'ai tout essayé, extrait, eau de parfum, eau de toilette, crèmes  et autres dérivés, mais rien à faire, le charme n'opère pas. Mon copain, pourtant  sensible aux beaux orientaux vanillés,  semble à chaque fois dubitatif, et une amie, qui sans être passionnée, connaît assez bien les classiques de Guerlain, m'a même dit  un jour: "Tiens c'est marrant, je l'aurais pas reconnu sur toi,  Shalimar".  Seule ma mère persiste à me dire que "j'hallucine", et qu'il sent tout à fait normalement sur ma peau. Mystère, donc. C'est d'autant plus frustrant que c'est probablement un des parfums qui me transporte le plus lorsque je le sens par hasard au détour d'une rue. 


Alors hier, j'ai encore voulu tenter l'expérience. Mais cette fois, j'ai profité d'une journée zen, où je prenais le temps de le découvrir par toutes petites touches d'extrait, et d'un peu d'eau de toilette sur les vêtements.  Une journée calme, où j'étais d'humeur lente, comme pour profiter de chaque évolution de Shalimar. Une journée non ponctuée par des impératifs de travail ou quelconque forme de stress, plutôt sous le signe de la  "dolce vita". C'est curieux, de la même manière que certains états prédisposent aux rencontres amoureuses par exemple (une certaine disponibilité de l'esprit notamment), il semble que certaines humeurs prédisposent aux rencontres parfumées.  Car, hier, enfin, j'ai pu me laisser bercer par la sublime musique de Shalimar, savourer doucement chaque note des délicieuses effluves qu'on lui connaît, sur ma peau.  J'ai enfin retrouvé cet  équilibre subtile entre les notes de têtes hespéridées, et ce fond vanillé, un peu animal, tout en étant poudré grâce à l'iris en coeur. Cette vanille, non écoeurante ou alimentaire, très élégante,  majestueuse, soutenue par l'opoponax,  et relevée de notes très légérement cuirées en fond, d'une féminité absolue et d'une sensualité frôlant l'érotisme.  J'ai beau apprécier toute une foule de parfums orientaux aux accents vanillés,  on ne peut nier que Shalimar a ce petit quelque chose en plus, comme le petit truc qui distinguerait  une Marilyn de centaines d'autres blondes pulpeuses par exemple.

Ce n'est pas pour autant  que je  vais porter Shalimar tous les 4 matins, contrairement à l'Heure Bleue, pourtant très complexe, mais dans lequel je me sens immédiatement bien comme on peut l'être dans son jean préféré. Non,  Shalimar est un parfum que je réserverai pour certains moments, mais je suis contente d'en avoir au moins, pour une fois, saisi la magie.

10 commentaires:

Clochette a dit…

J'ai porté Shalimar en edp pendant plus d'un an, mais au moment où j'ai rencontré mon amoureux, il n'a pas aimé du tout, il le trouvait trop "masculin" sur ma peau, alors je l'ai quitté à regrets, mais ça reste une de mes vanilles préférées! C'est un peu bizarre, ton vécu, quand-même, ça semble difficile à croire que ce parfum puisse avoir une mauvaise alchimie avec la peau... Mais bon, faut pas se forcer, non plus, hein, il y a quelques belles vanilles qui peuvent satisfaire une envie de cette gousse sans tomber dans les vanilles cheap! Mes coups de coeurs: "Bois vanille" de Lutens, "Havana Vanille", mes 2 chouchous mainstream "L" de Lolita Lempicka et "Amour" de Kenzo (même si ce dernier est plus frangipanier que vanillé), et mon dernier coup de foudre: "Vanille Galante" de Hermès! Et un parfum pas à proprement parler "vanille", mais lacté, poudré, dont j'ai envie de parler parce-qu'il est trop méconnu: "teint de neige" de Lorenzo Villoresi (disponible dans 2 boutiques de linge de maison à Paris, l'une proche de St Michel, l'autre à 2 pas de la boutique Shiseido au Palais Royal). Peut-être faudra-t-il attendre l'hiver, aussi?

Clochette a dit…

P.S.: Ah, et "Songes", bien-sûr! Mon choix pour cet été! Je suis incorrigible, à peine je m'offre un parfum que je rêve déjà au suivant dont j'ai envie, aaah-lala!

soph a dit…

ah, songes je le porte ce soir justement!

non c'est sûr ça ne sert à rien de s'entêter à tout prix mais shalimar est si beau, je comprends que ça a dû être frustrant de l'avoir quitté .. ceci dit oui il y a plein d'autres belles vanilles, moi aussi j'aime beaucoup havana vanille, et puis il y a habanita...

pr teint de neige oui je le connais mais je ne l'ai testé que sur touche, faudrait que je re teste sur peau, mais je n'en ai lu que du bien en effet!

Clochette a dit…

On a beaucoup de parfums en commun, outre Songes et Shalimar, j'adore et je porte plus ou moins régulièrement l'Heure Bleue, Lolita, Habanita, Allure Sensuelle, je ne me souviens pas ne pas avoir été d'accord avec un de tes coups de coeur, alors ça m'étonnerait quon ne soit pas d'accord sur le Villoresi ;)

Thierry Blondeau a dit…

Sophie, en effet, c'est étrange d'avoir du attendre si longtemps pour s'approprier furtivement ce chef d'oeuvre. Peut être est ce le soupçon de patchouli ou le castoréum qui réagissent mal sur ta peau ? Si tu aimes et portes l'Heure bleue, tu devrais aimer Teint de Neige. Un parfum dans la parfaite tradition baroque italienne, mais une petite merveille en effet.

soph a dit…

oui et très poudré non?

je l'avais senti sur touche mais en ayant senti toute une foule de choses en même temps chez Aépure, il faut que je le re teste

sinon oui pr shalimar, attention je l'ai toujours adoré (ma mère a d'ailleurs un extrait vintage des années 80, une merveille), mais c'est vrai que sur moi je l'ai toujours trouvé bizarre.

D'ailleurs je en sais pas si je me le suis approprié, je suis juste contente de m'être enfin sentie bien avec.

Anatole Lebreton a dit…

Je vous comprends, sur moi Shalimar ça donne: une crème anglaise au citron, aucune émotion, rien, il reste plat. Mais j'adore le sentir sur certaines clientes parfois. Bon c'est pas traumatisant pour un homme de ne pas accrocher Shalimar, et c'est pour ça que je lui préfère Or des Indes, l'opoponax y dure très très longtemps et ça me va beaucoup mieux.
Merci Clochette! J'ai Teint de Neige sur un poignet et Pffou mamma mia! pas pour l'été et pas pour moi mais à part ça effectivement une petite merveille baroque (sur moi un poudré oeillet dans le genre Normandie de Jean Patou, avec un arrière de couche de bébé et de talc, ce truc est très très concentré!)
Et tant que j'y suis, merci Méchant Loup pour l'idée de Fumerie Turque, j'ai lu ça sur votre blog je crois, parfait pour l'été.

Et pour finir, chère Blue Hour, J'ai cru vous reconnaitre en passant aux Galeries cette semaine en face du corner de Differentes Lattitudes, me trompe-je?

soph a dit…

c'est fort possible je m'y suis rendue deux fois!

bon il faut absolument que j'essaie à nouveau ce teint de neige sur peau...

Anonyme a dit…

Bon, bah je vais en rajouter une couche alors : oui Teint de Neige, c'est vraiment top! Moi j'ai eu l'occasion de le tester il y a 2 semaines à Genève, (grâce au conseils de Clochette!! Merci!!) et j'ai vraiment aimé. C'est un vrai poudré raffiné crémeux, mais pas dans le genre pâtisserie. A essayer, c'est sûr!

Pour Shalimar Sophie, rassure-toi, il ma fallu énormément de temps à moi aussi pour le comprendre et l'aimer. Je n'avais que des versions actuelles, mais j'en ai retrouvé une des années 70 (EDT) et surtout j'ai pu essayer un extrait vintage offert par Sylvaine Delacourte. Je ne l'ai compris que tard, et je suis heureuse de l'avoir découvert. Mais comme toi, je ne me vois pas du tout le porter au quotidien, tu l'as très bien décrit dans ton billet, c'est un parfum de moment et d'atmosphère... Exactement comme je l'ai vécu : http://poivrebleu.com/2009/07/02/lune-rousse-shalimar-extrait-et-microcredit/

soph a dit…

oui, je me souviens de cet article! tu avais essayé l'extrait un soir d'été et tu le comparais à un chat bleu il me semble.. et c'est vrai d'ailleurs que shalimar a quelque chose de félin.

disons que moi je l'ai toujours aimé, mais sur les autres, là c'était la première fois que je me suis sentie en harmonie avec...